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Conflit Réo

 

extrait de Mouvement ouvriers et crise industrielle

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Un long conflit méconnu semble effectivement fermer ce cycle des années 1970 à l’entreprise de chaussures Réhault à Fougères. Dans cette cité industrielle (79 % de l’emploi en 1975) encore marquée par la chaussure, la SA Réhault dépose son bilan et est mise en liquidation en janvier-février 1976, jetant 655 salariés à la rue dans une ville administrée par le député-maire RPR Michel Cointat. Le conflit le plus long de France démarre : quatre ans et quatre mois, 1 600 jours jusqu’au 2 juillet 1980, date de remise des clés à l’entreprise Barbier (chaussures) qui a racheté les locaux. Au départ, le Front syndical fougerais se mobilise pour les Réos, mais le personnel de cette entreprise longtemps florissante (1 200 salariés en 1966) est un peu à part dans la cité. Car « l’esprit réos » a été forgé par un patron empreint de catholicisme social, qui a été maire MRP, et a associé ses employés depuis un accord de 1953 avec le comité d’entreprise. Dans une entreprise cogérée avec la CFTC, les salariés intéressés aux bénéfices sont vus comme une sorte « d’aristocratie ouvrière ». Alors que la société Réhault est en crise depuis plusieurs années, la CFDT (400 adhérents) est puissante, mais elle s’isole rapidement face à la CGT (150 membres). En 1976, la CFDT voulant conserver l’outil de travail s’oppose à toute reconversion et à deux propositions de reprises partielles soutenues par l’UL de FO. Le front syndical vole en éclats rapidement, la section CGT disparaît alors que la section CFDT qui gère le conflit en AG décide d’occuper l’usine et de faire redémarrer la production. En liaison avec les LIP, Fougères devient « un carrefour des luttes ». Mais la mobilisation animée par un comité de lutte élu par l’AG s’étiole car la population ne soutient pas le mouvement et la section CFDT s’oppose de plus en plus à son Union régionale. Extérieur aux salariés, le comité de soutien aux Réos devient un lieu d’affrontement entre les partis de gauche (PS, PSU) et d’extrême gauche (LCR et trois partis marxistes-léninistes maoïstes dont L’Humanité Rouge-PCMLF). Le PCF et la CGT n’y participent pas. De septembre 1976 à juillet 1980, le conflit s’enlise : les occupants sont tolérés dans les locaux malgré des décisions de justice d’expulsion mais ils s’en vont peu à peu. La relance de la lutte en juin 1978 avec le jumelage avec des tanneries du Puy n’a pas abouti et le mouvement se délite dans un attentisme sans perspective. Dans ces luttes défensives, l’heure n’est plus aux grandes mobilisations sociales, en Bretagne ou ailleurs, car la crise économique fait des ravages et le syndicalisme ouvrier est déjà entré dans une longue phase de recul.

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